Emotion d'un voyage qui ébouriffe.

Cosmos des champs

Le chemin s’arrêta net sur une route qu’ils franchirent toujours en silence et pieds nus, pour déboucher sur un champ d’herbes hautes colorées d’une multitude de nuances de fleurs. Il les invita à s’allonger et à continuer l’exploration, les orteils en éventail. Bianca ravie de cette expérience vit disparaître son corps et celui des autres sous les herbes qui les recouvraient entièrement. Quelles drôles de sensations ! Dans le silence, elle s’est sentie seule au monde. Elle gardait en mémoire la présence des autres, mais étaient-ils encore là ? Rien ne le laissait deviner. Aucun souffle de respiration. Celui du vent rendait leur présence insignifiante. Cette première exploration terminée, elle s’est intéressée à autre chose.

Quel était son environnement par exemple : les brins d’herbe qui recouvraient son corps comme des arches aux perspectives rocambolesques ou bien des fleurs qui émergeaient de tous côtés ? Elle observa avec minutie la géométrie et la texture de leurs pétales, leurs couleurs nuancées, plus foncées à proximité des étamines et du pistil. Qui a pu créer tout ça ? C’était magnifique, merveilleux, presque irréel. Ce moment divin a été troublé par la conscience de l’absence totale de sensations physiques.

Elle ne sentait plus son corps en apesanteur. Elle n’avait plus de corps.

Elle voyait l’immensité du ciel, les herbes et les fleurs qui la recouvraient, certaines caressant sa joue ou chatouillant ses narines quand elle tournait la tête. Et les insectes : une fourmi a parcouru toute la longueur d’un brin d’herbe portant une charge au-dessus de son visage.

Elle devint cette fourmi.

Surprise, elle entendit gazouiller une mésange qui l’a survolée un instant.

Elle devint cet oiseau qui s’envolait rejoindre ses petits.

Elle se sentit fleurs des champs et vécut leur vie qui lui a semblé bien courte. Elle est devenue pistil heureux de recevoir le pollen des étamines et des abeilles. Quel plaisir d’ensemencer la terre de ses graines une fois ses pétales flétris et séchés et de se réincarner le printemps prochain pensa-t-elle ! Elle ne s’est pas endormie malgré la fatigue tellement il était intéressant pour elle de changer de nature. Elle aurait aimé que cet épisode dure toujours. Mais ce n’était qu’un épisode de sa propre vie.

Il s’est levé et Bianca vit surgir son visage réjoui au-dessus du sien, au centre d’une corolle d’herbes et de fleurs.

- Tu ne dors pas lui a -t-il demandé ?

- Ça ne risque pas ! C’était tellement puissant, j’en ai profité au maximum. Quelle heure est-il ?

- Il est dix-sept heures ! Nous sommes restés plusieurs heures, allongés dans l’herbe. Vite, lève-toi, nous allons chanter tous ensemble.

Extrait de ma nouvelle de 50 pages parue sur Bookelis.com en autoédition il y a quelques jours

Dans l'air du tambour - Bookelis

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